CONCERTS UNANIMES ET DIVORCE DE LA PENSEE ET DE L’ACTION

« L’économie des vingt prochaines années va être rude ! » A l’unanimité, à l’emporte-pièce aussi, les voix s’élèvent pour répandre cette sentence. Etonnant de constater que tout le monde est d’accord !

Le divorce entre la pensée unanime et les solutions pour l’action
A la rigueur et aux difficultés, tout le monde y croit. En revanche, dès que des solutions sont proposées pour y remédier, les opinions divergent. Personne alors n’est plus d’accord avec personne, révoltes et mutineries grondent. Les solutions proposées par les dirigeants provoquent colère et protestations. Curieusement, ces solutions entraînent souvent démesure et chambardement sociaux. Le divorce entre l’analyse de l’origine de la crise et la présentation de ses résolutions possibles devient subitement une source de tensions, de luttes et de conflits. La distance entre la pensée et l’action est à son comble. Dans ces conditions, comment sérieusement repenser ou modifier ses façons de faire, convertir ou reconvertir ses activités, investir ou désinvestir ses équipements, repositionner ou qualifier son personnel ?

Agir selon sa pensée est impensable
Goethe disait : « Penser est facile, agir est difficile, agir selon sa pensée est ce qu’il y a au monde de plus difficile. » Bien qu’averti, l’homme continue de penser et d’agir différemment. La séparation entre la pensée et l’action en devient inquiétante. L’individu n’agit que rarement comme il pense. On peut dès lors s’interroger aussi sur les comportements des institutions et des pays eux-mêmes composés d’individus, représentatifs certes, mais qui restent toujours des hommes. Les organisations locales, régionales, nationales, internationales et mondiales qu’elles soient économiques, politiques, judiciaires ou financières pensent-elles et agissent-elles comme la somme des individus particuliers qui les composent ? L’agir selon la pensée est-il aussi en plein divorce pour les pouvoirs publics ? Voilà des questions dont les réponses pourraient être alarmantes. Si les individus sont en conflit dès que des propositions d’action sont avancées, pourquoi les institutions et les nations ne seraient-elles pas alors quasiment en ordre de bataille dès que des propositions d’actions sont proposées ? A ce jour, les démocraties ne se font pas la guerre entre elles. L’utilisation des armes entre grandes puissances semble interdite. L’économie porte pourtant le poids des conflits et des tensions nationales et internationales. Devient-elle alors le substitut de la guerre ? Et, du coup, la compétition économique se transforme-t-elle en une course aux armements ?

La paix armée
La rivalité entre individus peut se transposer et se transmettre aux régions, aux pays et aux nations. Elle peut tourner à l’affrontement violent, sans concession, où tous les coups sont permis. La paix armée peut l’emporter : c’est un chemin de sagesse, d’intelligence et d’interdépendance des nations et des entreprises ; un parcours d’opportunités issues des crises surmontées. A défaut, ce peut être la ruine comme nous prévient Jacques Attali dans son livre Tous ruinés dans dix ans ?Sans trop de naïveté, souhaitons que la paix armée, plutôt que le chaos, devienne la voie qui rallie. Dans cette perspective, les petites et moyennes entreprises doivent se préparer à l’affrontement. Elles doivent savoir utiliser la place vacante laissée par l’Etat et par le marché des Grandes Entreprises (GE). En effet, le marché des GE compte beaucoup de défaillances et de manques et les Pouvoirs Publics (l’Etat) ne sont pas capables de servir de palliatifs.

Les infirmités du marché et les limites des Pouvoirs Publics
Quand le marché, libéré et sans complexe, des GE (et parfois de certaines PME ou TPE), ont une connaissance et un savoir très importants, les opérateurs peuvent manipuler les usagers et tromper les consommateurs en constituant des monopoles, des dépendances, des rétentions et des mainmises sur l’information. Chacun sait qu’un client ne peut mesurer lui-même la qualité d’un service qui contient beaucoup d’informations et de formations longues et complexes à acquérir. Les prix élevés ne sont pas toujours des signes d’assurance de qualité. La confiance du client et du consommateur plus la personnalisation des prestations et des produits du producteur ne sont pas toujours mises en avant dans certaines productions. On doit se souvenir que l’économie néoclassique a clairement défini son objectif qui est de fonder des méthodes de stricte efficacité comme dans les sciences naturelles, éliminant ainsi toutes questions d’éthique, de probité ou de justice. Les Pouvoirs Publics n’ont pas pour rôle de s’occuper normalement des individus mais des biens et des services collectifs c’est-à-dire des services qui ne sont pas rivaux entre eux, c’est-à-dire des services qui ne sont pas soumis à la concurrence et qui ne peuvent pas être réalisés par les uns ou les autres d’entre nous. L’Etat ne peut satisfaire toutes les demandes, les budgets ne sont pas élastiques. De plus, la décision politique est une affaire de choix donc il n’y a pas de satisfaction générale si ce n’est pour le citoyen « moyen » ou « médian ». Il existe donc de nombreux groupes de consommateurs, d’usagers et d’électeurs dont les besoins ne peuvent être satisfaits par l’Etat et les Pouvoirs Publics en général. Il appartient dès lors aux citoyens de s’organiser pour satisfaire ces besoins auxquels les limites des Pouvoirs Publics interdisent de répondre.

Rôle des PME et des TPE
Dès lors, le privilège des PME et le fief des TPE semblent résolument définis : ils se nichent dans les services à forte relation personnelle, dans les prestations de qualité et dans les contacts où la confiance est d’une intensité particulièrement grande. Voilà, la chance est bien devant ! C’est là qu’il faut agir comme on pense et non l’inverse.

Jean-Marie Clavel
Article 2, août 2010, Articles et Publications OGC-H

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